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30 ans de TCOM : Interview M. Alain STEPHAN
A l'occasion des 30 ans de la majeure TCOM (Télécommunications et réseaux), EPITA Alumni a mené l'enquête sur les origines de cette spécialisation et son évolution. Et qui de mieux pour répondre à leurs questions que M. Alain STEPHAN, fondateur de la majeure et responsable de celle-ci depuis 30 ans ?
Monsieur Stéphan, vous êtes diplômé de l’Ecole Centrale Supélec en 1984 et avez travaillé depuis dans le secteur des télécommunications. Pourquoi avez-vous choisi de vous orienter personnellement dans cette filière ? Pouvez-vous revenir sur votre parcours en quelques phrases ?
AS : Après avoir suivi les classes préparatoires, j’ai été curieux de savoir comment fonctionnent les communications et télécommunications. Ce domaine me paraissait mystérieux, voire un peu magique ! Après avoir obtenu mon diplôme en informatique avancée à Centrale Supélec en 1984, j’ai effectué mon service militaire à la DGA Maîtrise de l'information (anciennement CELAR de Bruz), un centre chargé, entre autres, des problématiques de transmissions et télécommunications. J’ai donc été mis dans le bain dès le début, j’étais ainsi prédestiné à une carrière dans ce domaine.
J’ai ensuite travaillé chez Solvay puis au Crédit Agricole toujours dans le domaine des télécommunications.
Vous êtes le responsable et le fondateur de la spécialité TCOM de l’EPITA créée en 1991. Pourriez-vous nous remettre dans le contexte de l’époque ?
AS : A l’époque où je travaillais chez Solvay sur des problématiques de règles de routage dans les environnements SNA, il y avait un stagiaire de l’EPITA qui travaillait avec moi. C'est lors de sa soutenance que j’ai sympathisé avec celui qui était alors responsable de la majeure en IA et systèmes experts : Akli ADJAOUTE. C’est lui qui m’a informé que l’école cherchait à ouvrir de nouvelle spécialisation et j’ai donc proposé de créer la majeure Télécommunications en 1991. Cette nouvelle spécialisation venait alors compléter les deux déjà existantes (IA et Sécurité et réseaux) et répondait aux besoins du marché de l’époque.
Une fois la majeure TCOM créée, quels ont été les premiers choix de programme ?
AS : Mon expérience terrain en tant que responsable des télécommunications chez Solvay et ma vision utilisateur m'ont permis de bâtir un programme répondant aux besoins du marché en y intégrant des compétences et savoirs faire qui étaient difficiles à trouver sur ce dernier. Je me suis donc initialement attaqué à 3 domaines : la transmission de données, les télécommunications et les réseaux. Ils étaient complétés par le cursus commun de l’école.
Comment avez-vous réussi à trouver les professeurs intervenant dans les différents cours ?
AS : Ce point est et a toujours été un peu délicat. Il fallait trouver des intervenants à la fois techniques, pédagogues et voulant bien me rejoindre dans l’aventure EPITA, qui a toujours été une école un peu à part.
Au fil des années, j’ai réussi à constituer l’ossature principale et j’ai complété les manques avec des intervenants plus ponctuels, moins experts, mais de bonne volonté et bons pédagogues. Je trouvais les profils au travers de rencontres que je faisais dans le cadre de mon activité de responsable des télécom où je côtoyais des fournisseurs et des prestataires d’ESN.
Ce qui m’a aidé, c’est que l’EPITA me laissait carte blanche. Mais encore aujourd’hui, il est parfois difficile de trouver des intervenants sur des compétences technologiques rares. Nous essayons d’être à la pointe de certains domaines que j'estime importants. Nous avons par exemple été les premiers à faire des cours sur la blockchain, le benchmark ou encore l’analyse de risque.
Quels sont pour vous les enjeux majeurs du monde des télécommunications ?
AS : Pour moi, parler d’enjeux revient à analyser le risque, et à définir quelles technologies d’aujourd’hui seront généralisées demain. Dans le domaine des télécommunications, le cycle de renouvellement des logiciels est assez soutenu et ça, l'utilisateur final n’en a pas forcément conscience.
Par exemple aujourd’hui nous sommes sur le WiFi 6 et nous passons par la 5G pour pouvoir téléphoner, mais se préparent déjà en coulisse le WiFi 7 et la 6G. C’est là que nous devons faire des choix et anticiper.
Les infrastructures sont couteuses et une fois qu’elles sont déployées, il faut un certain temps pour les rentabiliser, ce qui je pense freine les technologies, si non nous aurions des cycles encore plus rapides.
Le Cloud avec le SaaS, le IaaS et le PaaS a d’autant plus accéléré ces cycles de renouvellement technologique.
Quels sont les atouts majeurs qu’un étudiant de la spécialité TCOM a vis-à-vis de ces nouveaux enjeux ?
AS : Déjà, il n’y a pas tellement d'écoles de télécommunication. L’ingénieur Epitéen et par nature un ingénieur technique, ce qui nous différencie des autres écoles qui orientent les formations davantage vers des métiers de manager. Les Epitéens sont formés au développement ce qui leur permet de mieux appréhender des nouvelles technologies comme le SDx (Software Defined Everything).
Que faites-vous pour faire en sorte que la spécialité TCOM réponde à ces enjeux ?
AS : Chaque année depuis 15 ou 20 ans nous faisons un projet multi-spé (appelé PMS), partagé avec la majeure SRS (Systèmes, Réseaux et Sécurité) et la majeure SIGL (Système d’Information et Génie Logiciel), qui consiste à refaire le système d’information d’une entreprise fictive suite à une fusion ou une acquisition.
Ce projet permet aux étudiants de développer leur vision métier mais aussi de leur faire identifier des technologies obsolètes et de les pousser à chercher celles qui sont utilisées aujourd’hui et qui perdureront demain. Cela a pour but de développer leur créativité et d'accroître leur autonomie de résolution face à un problème inconnu.
Après plus de 30 ans d’expérience dans le monde de l’entreprise et dans le milieu des Télécommunications, que conseilleriez-vous à vos anciens élèves qui eux sont toujours en construction de leur carrière ?
AS : Je pense que pour que les individus soient bien, ils doivent réussir leur vie. Mais réussir sa vie ne veut pas dire réussir sa vie professionnelle, il ne me semble pas raisonnable de réduire la réussite personnelle à sa réussite professionnelle.
Je pense, un peu à la manière de Lao Tseu, que comme avec le Yin et le Yang, il faut qu’un individu trouve le juste équilibre entre son travail, qu’il doit aimer, et sa vie personnelle.
Mais il faut aussi que l’individu trouve un travail qu’il aime et dans lequel il est investi.
Je pense aussi qu’il est important de soigner sa réputation et son réseau, car le monde des télécom n’étant pas très grand, on retombe souvent sur les mêmes personnes. Même quand on quitte une boîte, il faut le faire en étant droit dans ses bottes.
Quelles sont les orientations professionnelles principales de vos étudiants que vous avez pu constater suite à la majeure ?
AS : La spécialité TCOM mène à un éventail de métiers très large. On peut travailler dans les télécom mais aussi dans l’IoT, le cloud, la sécurité, les réseaux mobiles, les datacenters. On apprend même à être chef de projet. Ce qui est un avantage car quand on est jeune, on ne sait pas forcément encore quel sera le métier que l’on va aimer.
Cela me semble plus compliqué, quand on n’a jamais fait de réseaux et télécommunications, d’aller vers ce domaine de l’IT, que d’avoir suivi une formation TCOM et d’aller vers les autres domaines d’activité.
Quelle est l’orientation qui vous a semblé la plus surprenante parmi vos alumni ?
AS : J’ai toujours trouvé amusants ceux dont le job était de trouver et de vendre des zero-day. Mais comme en TCOM on aborde certains aspects de la sécurité ce n’est pas si surprenant que certains élèves développent ces compétences à la base plutôt réservées à la spécialité SRS.
Comment voyez-vous l'entrepreneuriat suite à un cursus dans la spécialité TCOM ? Avez-vous des alumni qui ont choisi cette voie ?
AS : La réponse paraît évidente quand on remarque que le nouveau responsable de la spécialisation entrepreneuriat est un ancien TCOM. *rire*
Plus sérieusement, les télécoms sont un domaine dans lequel les projets demandent un certain nombre de moyens donc cela peut paraître moins évident d’être créatif à faible coût que pour d'autres domaines de l’informatique tel que le software.
Mais on peut parler par exemple d’un couple d’alumni dont le mari est SRS et la femme TCOM et qui ont créé l’entreprise Efficient IP, un fournisseur de solutions de sécurité et d'automatisation réseau, spécialisé en gestion DDI, reconnu au niveau national, européen et mondial.
Vous devez suivre un peu le parcours de certains de vos anciens élèves, qu’est ce qui vous rend le plus fier dans la réussite d’un ancien de l’EPITA ?
AS : Je prends toujours un grand plaisir à recroiser mes anciens élèves dans ma vie professionnelle. Que ce soit chez les fournisseurs, qui me vendent des solutions technologiques, chez des opérateurs ou sur des salons. Cette dernière option étant ma préférée car, étant plus jeune, ils me donnaient toujours des goodies pour mes enfants et pour mon chat.
Quand je les croise, je suis heureux de constater qu'ils ont réussi, qu’ils ont un job qui leur plaît et que tout va bien pour eux. Et les étudiants me le rendent bien, c’est d’ailleurs grâce à un ancien élève que j’ai eu les palmes académiques, je dois bien être le seul à EPITA.
Serez-vous présent le 22 juin à Issy les Moulineaux dans le restaurant l’ILE pour célébrer les 30 ans de la majeure ?
AS : Évidemment. J’aime espérer être la guest star aux côtés de nombreux autres invités et surtout anciens élèves. Et puis il faut souligner que certains alumni ont plus de 50 ans.
L’année dernière a été diplômé le plus vieux étudiant de l’Epita qui va avoir désormais 58 ans et qui est un TCOM.
Je voulais aussi rappeler que les accompagnateurs sont les bienvenus à la soirée.
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