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Mais que deviennent t-ils ? Afton Verrecchia coach agile nous en apprend plus sur l'importance de la politique en entreprise

26 décembre 2022 Portrait d'alumni
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Afton Verrecchia, GITM 2014 et maintenant coach agile et leader de la conduite de changement, nous fait son retour d’expérience sur le monde professionnel qu’elle côtoie. Dans cette interview elle nous présente comment la formation continue ou encore la politique peuvent nous faire progresser ou nous bloquer dans notre carrière.

 

Bonjour Afton. Pourquoi avoir choisi l’informatique comme études et pourquoi ton choix s’est porté sur l’école EPITA ?

 

Afton Verrecchia : En 2007, la crise des Subprimes aux Etat Unis qui n’était censée impacter que ce pays s’est finalement étendue au monde entier. Il y avait une crainte sur l’avenir et particulièrement dans le domaine de l’emploi. Aussi, j’ai choisi de trouver une filière éducative me promettant un emploi qui ne connaîtrait pas la « crise ».

 

En France nous ne sommes pas assez aiguillés dans nos choix de carrière. Nous laissons trop de jeunes s’orienter vers des filières qui ont peu de débouchés car déjà très demandés (psychologie, marketing …) ou qui font un tri très tardif (filières juridiques). Ces filières obligent les jeunes diplômés à accepter de petits salaires ou empêchent de pouvoir exercer dans le domaine étudié à cause du nombre de places limitées.

N’étant pas encore sûre de l’emploi vers lequel me diriger après mes études, une école d’ingénieur me garantissait de repousser quelque peu cette décision.

 

Finalement mon choix s’est porté sur l’informatique. L’informatique est un domaine très vaste permettant de se spécialiser dans des secteurs extrêmement variés (réseaux, gestion de projet, systèmes embarqués, intelligence artificielle, recherche etc) mais permettant également de travailler dans des secteurs d’entreprises particulièrement hétérogènes (santé, finance, médias, industrie etc).

 

Enfin pourquoi l’EPITA ? Découverte à un salon l’Etudiant parmi d’autres écoles d’ingénieurs, l’EPITA était déjà homologuée par la CTI, ce qui était un facteur déterminant pour mon choix. Deux autres paramètres m’ont confortée et motivée dans mon choix d’école. D’une part, l'EPITA m’a été présentée comme étant une école difficile, notamment avec la fameuse piscine, et je considère que quand quelque chose est difficile à obtenir, cela donne plus de saveur au résultat.

 

D’une autre part, le nombre particulièrement faible de femme en informatique a piqué ma curiosité et j’étais prête à relever le défi et à faire augmenter le pourcentage de femme en informatique.

 

Quels sont tes choix scolaires à l’EPITA qui t’aident aujourd’hui dans ton travail ?

 

Afton Verrecchia : J’ai choisi la Majeure GITM (Global IT Management). Cette majeure m’a été bénéfique pour deux raisons principales. D’une part, elle était enseignée complètement en anglais avec des étudiants issus de programmes d’échange internationaux, ce qui permettait une ouverture culturelle importante et une pratique de l’anglais nécessaire dans le cadre professionnel. D’autre part, certains cours proposés m’ont beaucoup apporté pour mes compétences professionnelles.

 

Les cours de Crossboarder Management m’ont préparée à gérer les projets que j’ai été amenée à piloter avec des équipes venant de différents pays. 
Les cours techniques dispensés m’ont permis de conserver une expertise nécessaire pour travailler dans le domaine de l’IT.
Enfin, les cours de Change Management (conduite de changement), qui m’ont plus particulièrement plu, m’ont permis de découvrir le métier que je fais actuellement depuis ces quatre dernières années. 

 

J’ai réellement pu voir à quel point il était important dans tout projet de réunir au bon moment à la fois les bonnes personnes, mais aussi le bon plan de conduite du changement. Bien trop souvent, la phase d’accompagnement vers le changement est sous-estimée et peut impacter directement la réussite du projet.

 

Quelles sont tes expériences professionnelles qui t’ont conduite à réaliser ton parcours professionnel ?

 

Afton Verrecchia : Mon parcours professionnel est loin d’être terminé, il est en constante évolution.

 

J’ai commencé par être consultante dans des ESN. Ces entreprises sont parfaites pour débuter lorsque nous n’avons pas beaucoup d’expérience ou de réseaux. Elles nous permettent d’accéder à des missions diverses pour des clients prestigieux et ainsi mettre de grands noms d’entreprise sur nos CV. 

 

Pendant 7 ans, j’ai donc pu régulièrement changer de mission et de client tout en variant les environnements dans lesquels j’intervenais. Ces expériences m’ont permis de remettre constamment en question mes compétences et de me sortir de ma zone de confort. 
Avec le recul, je me rends compte qu’en allant directement chez un client final en sortie d’école, je n’aurais peut-être pas eu la même progression ou les mêmes perspectives d’apprentissage.

 

Travailler dans une ESN nous demande une plus grande autonomie et une vision à long terme de ce que nous souhaitons pour notre carrière professionnelle. Nos perspectives d’évolution ne seront pas forcément en adéquation avec les intérêts de notre ESN ou du client chez lequel nous interviendrons.
Que ce soit lors de la recherche d’un nouveau job ou d’une nouvelle mission dans une ESN, il faut être très à l’écoute des opportunités qui peuvent se présenter à nous. Il est nécessaire de ne pas accepter tout et n’importe quoi, principalement si cela n’a pas de cohérence avec le parcours professionnel que l’on souhaite poursuivre.

 

On parle souvent de projet professionnel mais comment fait-on pour le déterminer lors de nos débuts dans le monde du travail?

 

Afton Verrecchia : Je dirai que ce sont les gens, les rencontres, les échanges, les expériences et les erreurs qui permettent de faire un choix éclairé sur sa carrière. On a le droit de se tromper, il faut simplement savoir le reconnaître et changer de voie. Il est bien d’avoir des objectifs sur le long terme, mais il est très important d’en avoir sur le court terme et ne pas se projeter trop loin car le futur est incertain. Il faut garder une mentalité agile et réfléchir à notre situation professionnelle à hauteur de deux-trois ans puis itérer chaque année, réfléchir aux compétences qu’on souhaite acquérir et comment y parvenir.

 

Rien ne sert de se précipiter dans ses choix de carrière, on peut changer d’objectifs tout au long de sa carrière, les choses peuvent également se décanter et prendre le chemin attendu au moment où nous nous y attendons le moins. Si une expérience est intéressante et qu’elle offre de nouvelles connaissances ou compétences, il faut savoir rester ouvert même si ce n’était pas le poste visé initialement.

 

Dans quelle mesure l’autoformation paye-t-elle dans la progression professionnelle ? Et comment fais-tu pour accéder à ces formations ?

 

Afton Verrecchia : Il est essentiel de se former en continu ! N’arrêtez jamais d’apprendre. En sortant de l’école on nous disait que nous étions obsolètes au bout de 5 ans. Avec mon expérience j’ai l’impression que c’est encore plus rapide aujourd’hui. Il est donc important de rester à l’écoute des nouveautés, de continuer à faire de la veille et à être précurseur.

 

Dans le cadre de notre travail, nous aurons accès à des formations qui serviront les intérêts de l’entreprise. L’entreprise ne nous fait pas faire de formation pour notre propre épanouissement professionnel, c’est à nous ensuite d’être proactif et de réfléchir aux formations qui sont en adéquation avec nos objectifs de carrière.

 

Les formations faites en entreprise aujourd’hui sont finalement utilisées pour valider des connaissances acquises par la pratique. Elles ne remplaceront donc jamais de bonnes expériences dans notre domaine professionnel.

 

Pourquoi faut-il développer son sens de la politique et quel est l'impact de la politique sur sa carrière surtout à ses débuts ?

 

Afton Verrecchia : On n’évolue pas “seul” dans sa carrière, donc on n’évolue pas sans faire de politique. Ne pas la prendre en compte crée beaucoup de frustration, un sentiment d’injustice et fait perdre beaucoup de temps.

 

Par exemple “Pourquoi ce collègue qui est moins compétent que moi a pu obtenir tel rôle / telle promotion ?”. La réponse sera bien souvent “la politique”. Ce collègue a su sûrement mieux communiquer sur son travail et mieux le mettre en avant, il était également plus à l’aise sur le plan relationnel avec ses autres collègues et sa hiérarchie.

 

Pour autant, il ne faut pas se résigner, il faut apprendre à en jouer. On tente, on échoue, on apprend, on retente.

 

Vous rencontrerez des gens qui ne font “que” de la politique en entreprise, qui se servent du travail des autres et sauront mieux le vendre qu’eux. A mon sens, il faut savoir être malin, et opportuniste : ayez confiance en vous, en vos compétences, et osez les choses. On perd tellement de temps à se mettre soi-même des bâtons dans les roues. Il faut apprendre à défendre son travail, à le communiquer.

 

On néglige le poids de la politique en entreprise. Il existe des personnes qui y sont même allergiques et qui refusent d’en faire, mais malheureusement cela peut se faire au détriment de leur évolution. On est tous obligé à notre niveau de faire de la politique. La politique ce n’est pas changer son comportement pour correspondre à ce qu’on veut de nous : On peut garder nos valeurs et faire de la politique. Il faut juste savoir définir comment atteindre ses objectifs tout en les respectant. La politique c’est avant tout des alliances et de l’opportunisme.

 

Grâce à ton recul et aux nombreux entretiens que tu as pu avoir ou même faire, quelles sont pour toi les erreurs à ne pas commettre ?

 

Afton Verrecchia : L’erreur principale à ne pas commettre est de se sous-estimer. Que ce soit en termes de rémunération, ou en termes de connaissances / compétences, ne vous sous-estimez jamais ! On parle du syndrome de l’imposteur, c’est à dire penser que l’on n’est pas légitime alors qu’on a les compétences nécessaires. On vous argumentera tout un tas de raisons pour ne pas vous rémunérer au juste prix. On met énormément de temps à rattraper un écart de salaire. Les histoires de grilles salariales sont pour moi une chimère : tout se négocie. 
Et il n’y a pas que le salaire qui se négocie, vous pouvez négocier des formations payées, un poste, des titres …
Il faut savoir faire comprendre à votre hiérarchie ce que vous savez, ce que vous voulez et ce que vous valez. 

 

Il est également important de ne pas accepter des postes ou des tâches qui ne vont pas vous servir pour votre carrière. Sachez dire non ! Si quelque chose ne fait pas partie de vos objectifs et ne vous permet pas d'acquérir des connaissances, des compétences ou un rayonnement, il faut savoir la refuser avec diplomatie. Votre hiérarchie n'hésitera pas à vous en demander plus, surtout si vous travaillez bien. En revanche gardez à l’esprit qu’il est important de savoir sortir de sa zone de confort afin d’acquérir de nouvelles compétences plus complexes que vous pourrez monnayer. Tout est une question de balance.

 

A côté de cela, un paramètre influant grandement sur notre carrière est la politique en entreprise. Peux-tu nous en dire plus à ce propos et qu’est-ce qu’on entend par là ?

 

Afton Verrecchia : La politique est difficile à définir simplement. Ce n’est pas palpable. Ce sont certaines règles qui vont varier en fonction du contexte, des personnes et des entreprises. Ces règles ne nous sont pas divulguées dès le début et nous apparaîtront au fur et à mesure de notre expérience dans le monde professionnel. Ces règles nous apprennent comment nous comporter, avec qui nous devons lier des liens et la façon dont nous devons communiquer en fonction des différents contextes. 

 

En sortant de l’école, et comme beaucoup de personnes, je pensais naïvement qu’il fallait seulement bien travailler pour être récompensée et évoluer dans une entreprise, mais je me suis rendu compte que c’était beaucoup plus complexe que cela et c’est là que la politique entre en jeu.

 

La politique peut être vue comme une présentation à un auditoire. Certaines personnes se concentreront sur le fond (les compétences techniques) et auront du mal à faire comprendre ce qu’elles présentent, d’autres se concentreront uniquement sur la forme (le fait de bien présenter et d’adapter son discours à son auditoire) et seront peut-être plus écoutées. En réalité le fond et la forme sont indissociables et pour se faire comprendre il faut s’adapter à chacune des personnes à laquelle vous présenterez votre projet. Des outils d’intelligence émotionnelle existent afin de vous aider à adapter vos présentations ou votre discours à une personne. Je pense notamment à la méthode DISC qui nous aide à cibler le type de personnalité que nous avons en face de nous afin de mieux la convaincre. Certaines personnes ont besoin de données extrêmement factuelles pour être convaincues ; à contrario d’autres personnes auront besoin que nous allions à l’essentiel sans se perdre dans les chiffres.

 

C’est là que les Soft Skills entrent en jeu. Les Soft Skills sont des compétences transverses à chaque profession et qui incluent notamment la communication, la manière d’être à l’aise, le non-verbal, la manière de se comporter etc. Mais là encore ces compétences doivent être adaptées aux circonstances et aux personnes.

 

La politique c’est savoir à qui s’adresser, à quel moment et comment, c’est également mettre en place des alliances car seul vous n’arriverez pas à obtenir ce que vous souhaitez, même si vous avez la meilleure solution technique. La politique peut retourner des situations, accélérer des projets ou les freiner. Vous pouvez me croire si je vous dis que vous allez très vite entendre “on va faire comme cela, car c’est politique”. N’oubliez pas que les intérêts de l’entreprise ne sont pas nécessairement les intérêts de votre manager, qui peuvent être encore différents de vos propres intérêts.

 

Dans quelle mesure l’entretien annuel a-t-il un impact sur une carrière et à quel moment se font les grandes décisions ?

 

Afton Verrecchia : Les grandes décisions, c’est vous qui les provoquez, en restant aux aguets de nouvelles opportunités, en discutant avec les gens et en sachant ce que vous voulez. Il faut savoir se positionner et ne pas attendre que tout vous tombe tout cru dans le bec car des gens moins compétents pourront se positionner avant vous sur les opportunités que vous souhaitez.

 

On apprécie les gens qui ont de l’audace, et parfois les managers n’ont pas envie de se creuser la tête et prennent celui qui a su venir à eux avec les bons soutiens.

 

On en revient encore une fois à la politique. Travailler son réseau est essentiel pour être au courant des opportunités. L’entretien annuel est un entretien obligatoire, cela ne veut pas dire que c’est à ce moment qu’on négocie tout : On négocie quand on veut et quand on peut ou quand on a les cartes en main pour le faire.

 

Toutes les fois où on me conseillait de ne pas aller trop vite et que l’on me disait “je vois ça pour toi mais dans quelques mois”, ça ne s’est jamais fait. A contrario, quand j’ai fait alliance avec les bonnes personnes, les choses se sont déroulées à une vitesse incroyable. Des postes peuvent être créés, il ne faut pas attendre que les choses arrivent, il faut les provoquer.

 

Il faut également penser à se jauger par rapport au marché et pas uniquement par rapport à son entreprise ou à ses objectifs. Le marché est en constante évolution, ne pas le prendre en compte est une grosse erreur à mon sens en termes de carrière.

 

Merci beaucoup Afton pour cet échange très enrichissant.




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